
Interviews
Interview avec M. Trentesaux, chef de rédaction à L’Express
Conseil :
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Il faut partir de cas concrets, comme l’Express par exemple. L’Express est un groupe, la crise de la presse est différente s’il s’agit d’un groupe ou d’un journal isolé.
L’Express est un hebdomadaire généraliste qui vise à toucher un grand public.
Le Monde par contre est un quotidien, la crise va donc le toucher différemment.
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Cibler la presse toucher : il est plus facile pour un quotidien, habitué à travailler rapidement, d’intégrer internet
Les origines de la crise
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Internet : les gens consomment de plus en plus sur internet. Il n’y a pas de problème de place, les archives sont disponibles et facilement accessible. Internet est un média global, il n’y a pas de catégories (média écrit, visuel…) on trouve de tout. Et il n’y a pas de problèmes de périodicité (quotidien, hebdomadaire…) l’information est instantanée.
Avant les concurrents de l’Express étaient Le Point et L’Obs, deux grands hebdo-madaires. Aujourd’hui avec l’arrivée d’internet le nombre de concurrents a augmenté : TF1, Europe 1, Le Monde car ils ont tous un site internet dont le but est d’attirer les lecteurs.
Ça coûte cher d’avoir un site internet. L’information étant disponible gratuitement, seule la pub permet à un journal de rentabiliser son site internet. Mais cela ne suffit pas. Les plus grands sites arrivent seulement à l’équilibre. Les tentatives de faire payer aux internautes l’accès au site web ont du mal à fonctionner.
Internet aspire tout le monde, tout le monde veut consulter gratuitement l’informa-tion, il n’y a pas de délais.
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Les Gratuits : Dans les années 2000 sont apparus de nouvelles sortes de journaux, les quotidiens gratuits. Les gens se sont informés en les lisant et hésitent à payer pour avoir davantage d’information.
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Les marchés publicitaires : les journaux sont vendus deux fois, aux lecteurs et aux annonceurs publicitaires. Avant les recettes des ventes et les recettes publicitaires étaient à part égale dans la recette totale (50/50). Aujourd’hui on a du mal à attirer les annonceurs.
Les publicitaires se tournent davantage vers internet et essaient d’attirer directement des clients ou via des sites très visités (Facebook, Twitter, YouTube), qui permettent de tracer les centres d’intérêts des internautes grâce à leurs amis, à ce qu’ils ont consulté.
Cela change l’univers de la presse.
Une version papier c’est cher (coûts de production, transport…), ça pollue, il faut retraiter les invendus.
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Le changement des habitudes de consommation : Les jeunes très peu la presse écrite.
Tout le monde essaie de chercher une solution
Quoi chercher ?
On cherche les recettes. Ce qu’on produit a de la valeur, il faut trouver comment intéresser les lecteurs, comment faire des recettes, en organisant des événements autour de la publication d’un numéro par exemple. L’évènement est financé par un sponsor, le journal a pour tâche l’organisation et l’animation.
Pour le numéro « Provence l’or rosé » on pourrait organiser un colloque, une table ronde qui rassemblerait les professionnels de cette région. Cela permet aux participants à travers les discussions d’avoir une meilleure connaissance de leur univers de travail.
Le meilleur segment pour les recettes est le business.
Ou comme l’Etudiant organiser des salons, parfois payants, souvent gratuits où les exposants payent pour être là. Le journal va là jouer le rôle d’intermédiaire.
Il faut se diversifier : monter des événements, cibler le lectorat (presse de proximité, numéro Provence, Nice, Béziers/Narbonne).
On pourrait également proposer des hors-série sur des sujets, qui ont déjà été écrits: comme par exemple un mook, entre le livre et le magazine c’est une compilation d’articles qui traitent d’un même sujet.
On pourrait également rendre le site payant, au bout d’un certain seuil de connexion. Mais les gens sont peu intéressés – ils veulent des infos qu’ils ne peuvent trouver nulle part ailleurs.
Mediapart est le seul site directement payant qui marche. Ils ont atteint la taille criti-que qui leur permet de trouver l’équilibre, ils ont 105 000 abonnés.
On peut aussi proposer des prestations payantes (sites de rencontres, météos…), qui sont des liens sur le site. On fait des partenariats.
On pourrait également proposer un accompagnement global. Ainsi Le Monde (quotidien), l’Obs (hebdomadaire) et LCI (chaîne d’information) cherchent à s’associer pour avoir la panoplie complète et atteindre la taille critique qui permet de fournir au mieux l’information aux lecteurs. On parle de convergence médiatique.
On peut ainsi constater une concentration du marché.
La presse essaie également d’avoir des subventions publiques car elle a une mission d’intérêt général : informer les citoyens. La presse et l’information représente un contre-pouvoir. Si les informations sont erronées, mal rédigées cela peut avoir un impact direct sur les entreprises par exemple (mauvaise information, chute des cours). Mais ce n’est pas suffisant.
Peut-être faut-il couper le cordon avec le raisonnement capitaliste et essayer un systè-me coopératif. La presse serait uniquement numérique et aurait pour tâche de fournir des informations solides et de qualité.
Il faudra réduire les effectifs, et se concentrer sur un public précis (média de niche). Ainsi on trouve par exemple des sites spécialisés, il y a moins d’acteurs et c’est ciblé (ex. site sur l’écologie).
LA PRESSE N’EST PAS MORTE ; ELLE EST EN TRAIN DE MUER, DE CHANGER.
Si la presse papier continue d’exister, elle deviendra du haut de gamme.
Pourquoi la presse papier ne disparaîtrait pas ?
Parce qu’on prend du plaisir à s’allonger au bord de la piscine avec son quotidien ou son hebdomadaire d’information.
Même les gratuits ont du mal car ils ne sont que sur le marché publicitaire. Il y aura peut-être une concentration des journaux gratuits.
Interview avec M. J-C Servant Rimbaud, Dirigeant d’une agence de presse
A l’occasion de l’Echo des métiers au lycée Victor Duruy nous sommes allées interviewer des professionnels du journalisme.
Rencontre avec Jean-Christophe SERVANT RIMBAUD, Dirigeant d’une agence de presse et de communication. Une agence de presse a pour rôle de fournir l’information et de rédiger des articles pour les différents supports d’information (internet, journaux papier…). Elle peut proposer des sujets ou répondre aux demandes de ses clients. Aujourd’hui les journaux ont des rédactions plus petites qu’avant, elles vont donc avoir davantage recours aux agences de presse.
La presse écrite est en crise depuis les années 60. La principale cause de cette crise est le modèle économique sur lequel repose la presse : un journal est vendu deux fois, aux lecteurs et aux annonceurs publicitaires – la publicité est le deuxième pilier économique de la presse).
En France, comme dans les autres pays démocratiques, la presse est libre nous avons donc une multiplication des supports de l’information. La presse écrite est une presse forte et dynamique tant qu’elle dispose de fonds, aujourd’hui se sont ces fonds qui manquent. Il y a un besoin d’information et des personnes prêtes à la traiter, mais on ne dispose pas des fonds nécessaires. Les lecteurs sont de moins en moins prêts à acheter un journal papier lorsqu’ils peuvent obtenir l’information gratuitement sur internet. Le papier représente un coût économique supplémentaire. Les journaux ont ainsi dû s’adapter : il y a dix ans Le Monde publiait un quotidien de soixante pages, aujourd’hui il a été réduit à vingt-quatre pages. Même les journaux gratuits sont en difficultés, en effet ils reposent uniquement sur la publicité et celle-ci se tournent désormais vers d’autres supports que le support papier. De ce fait les journaux ont des rédactions à taille réduite et les articles sont courts et reprennent les dépêches des agences de presse.
La solution à cette crise est de redonner de la valeur à l’information. Il faut éduquer les lecteurs à l’économie de la presse. Elle a besoin de fonds pour subsister. D’autre part l’avenir de la presse est sur internet. C’est un support extrêmement réactif, à l’avenir on y retrouvera l’ensemble de l’information « chaude », qui vient tout juste de se produire (l’actualité), tandis que le papier deviendra le support de l’information « froide », une information détaillée avec une analyse complète. Ainsi on peut déjà observer de nos jours l’exemple du journal Le Monde qui oriente ses lecteurs sur le site internet pour l’information chaude. Les grands journaux essayent donc de s’adapter au numérique, le canard anglais The Guardian a réussi mais son équilibre reste fragile, le New York Times et Le Monde essayent mais ce n’est pas évident.
Toutefois sur internet l’information n’est pas toujours fiable. Par exemple on ne sait pas qui écrit un blog journalistique : cette personne est-elle qualifiée ? Est-elle compétente ? Quelles sont ses intentions (influencer, informer) ? On parle de règle du jeu : quelle est la règle du jeu ?=quel est le but de ce média ? Aujourd’hui on connaît le positionnement des médias : Le Figaro (droite), l’Humanité (extrême gauche et gauche)… Si on ne connaît pas la règle du jeu on peut être manipulé, on a une information qui peut avoir été réécrit d’un point de vue particulier et on ne dispose pas forcément de la connaissance et/ou du recul pour être critique à l’égard de l’information. La presse permet d’alimenter le débat politique et contribue à la liberté de conscience.
D’autre part les rédactions réfléchissent à abandonner la version papier quotidienne, qui est coûteuse, pour une version hebdomadaire bien conçue et qui peut intéresser aussi bien les lecteurs que les annonceurs publicitaires.
Il existe dans l’univers de la presse un grand nombre de métiers intéressants et passionnants. « Le journalisme est un des plus beaux métiers du monde ». Il y a encore énormément de choses à faire dans ce domaine. On a toujours besoin d’information, aussi bien chaude (actualités) que froid (documentaires, analyses…) pour former et instruire. Il faut des documentalistes, des personnes structurées et organisées qui vont traiter les informations.
Le journalisme est un métier passionnant, intéressant, varié : on rencontre beaucoup de nouvelles personnes. On a l’occasion de voyage – bien que de nos jours cela représente un coût important qui rend les voyages moins fréquent. On a mis en place des réseaux de correspondants : plusieurs médias (par exemple télé, radio, journal papier) s’associent pour payer un correspondant permanent sur place. Par ailleurs de nos jours avec les technologies de communication on peut facilement entrer en contact avec une personne, mais on ne voit pas ce qui se passe autour d’elle – on n’a qu’un aperçu partiel de la situation.
Interview avec M. P. Rince Directeur Adjoint de l’OJD
1 - De nos jours l'avenir de la presse papier est remis en question, est-ce vraiment le cas ?
Il ne faut pas parler de menace. Comme toute industrie, la Presse Papier est entrée dans une profonde phase de mutation liée à un bouleversement à la fois sociétal et technologique.
2 - Quelle stratégie les journaux doivent-ils adopter, pour faire face à ce changement dans l'univers de la presse ?
Les éditeurs doivent aujourd’hui être « agiles », c'est-à-dire savoir s’adapter en permanence aux nouveaux usages et notamment au numérique.
3 - Quelles peuvent être, selon vous, les causes de cet avenir incertain, de ce changement ?
Je l’ai dit le bouleversement sociétal et technologique.
4 - Quel serait l'impact de la disparition de la presse papier sur le marché de la presse et de l'information ?
Encore une fois, la contraction du marché de la presse Papier n’est pas une catastrophe c’est une transformation comme le monde économique et industrielle en a connue depuis des décennies. Ce qui est probablement beaucoup plus grave, c’est aujourd’hui l’émergence d’acteurs, je pense aux réseaux sociaux, qui souhaiteraient se substituer aux vrais producteurs d’information que sont les éditeurs de presse.
5 - Est-ce que vous pensez qu'une reconversion est possible (par rapport au numérique) ?
Bien sûr et elle est en marche. Certains grands éditeurs de presse quotidienne ont aujourd’hui plus d’audience sur leurs supports numériques que sur leurs supports Print.
6 - Est-ce qu'avec l'utilisation de plus en plus importante de la technologie vous pensez qu'il est possible d'avoir une presse entièrement numérique ?
Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que le papier a encore un futur.
7 - Quelles ont été les conséquences de l'arrivée du numérique sur le marché de la presse ?
Cette arrivée a créé un déséquilibre dans les économies des entreprises de presse. Les pertes de CA sur le print n‘ont pas été compensées par les nouveaux revenus du numérique qui est parfois difficile à monétiser.
8 - Quels sont vos principaux concurrents (presse papier, télé, numérique)? Est-ce que c'est les mêmes qu'il y a dix ans ?
Aujourd’hui le monde des médias s’est globalisé. Tous les supports, toutes les marques deviennent concurrentes.
9 - Quelles sont les raisons pour lesquelles la presse papier ne disparaîtrait pas ?
L’attachement à la réflexion.
10 - De nos jours beaucoup de grands journaux ont une version numérique où les articles sont disponibles gratuitement, comment trouvez-vous l'équilibre entre un site quasi gratuit et une version papier toujours payante ?
Dans un avenir proche, les contenus gratuits des éditeurs de presse seront de moins en moins importants. Les éditeurs de presse retrouvent leur Adn et feront payer de plus en plus les contenus. Le modèle « tout gratuit grâce à la pub » n’est pas viable.